Le confinement de Razvan
Il y a 34 ans (!!!), précisément dans cette même période de l’année, au printemps de 1986, j’étais un garçon de 7 ans, qui commençait à ouvrir ses yeux sur le monde.
Je ne me souviens pas comme tout a commencé. Mais d’un certain moment, tout a été couvert par l’ombre bizarre d’un seul mot: Tchernobyl.
Il n’y avait pas de la peur, ni de la panique. Je ne savais pas nommer l’attitude des adultes au tour de moi; je comprends aujourd’hui que c’était du stoïcisme. Une attente courageuse; une résignation lucide.
Je savais que la situation était sérieuse. Que des gens mouraient ou allaient mourir. Car, en parlant de ce qu’il se passe, les adultes affichaient le visage immobile, aux yeux à moitié fermés, de la grimace terrible de la défiance, que je connaissais de mon grand-père, des moments quand il me racontait les histoires, drôles et tragiques, de sa participation à la seconde guerre mondiale : le transport fluvial que son régiment avait intercepté sur le Danube (en ouvrant les caisses en bois sur les barges ils ont trouvé des quantités impressionnantes de…. chocolat); la fièvre typhoïde qui l’avait frappé dans le massif Tatra (lui, un homme de 25 ans, à la fin de la maladie, avait arrivé à peser 38 kilos).
Mais les souvenirs les plus importants que je retiens de cet épisode sont des choses plus légers. Plus domestique. La vacance prolongé et inespérée. Le fait que l’été 1986 a été le seul été de mon enfance dont je ne suis pas allé en séjour au bord de la Mer Noire. Par conséquent, le séjour très long que j’ai fait dans la campagne, chez mes tantes et cousins, dans un village sous le Carpates.
Et surtout, la réalisation décisive que les gens parviennent à dépasser toutes les crises. Comme mon grand-père a survécu à la guerre et à la maladie, nous avons survécu aux nuages poissonneux de Tchernobyl. En gardant, à la fin, le même sentiment d’avoir vécu une aventure autant dangereuse qu’extraordinaire que celui qui remplissait la chambre où grand père racontait des histoires.
La confirmation que tout va se résoudre correctement est venu en mai 1986: Steaua Bucuresti, mon équipe de foot préférée, a gagné la Coupe des Champions Européens, à Séville, contre la Barcelone.
Alors, quand la crise actuelle a commencé, je me suis retrouvé transporté dans le printemps de 1986. C’est sérieux. La mort se promène, encore une fois, dans les rue. Mais beaucoup d’entre nous vont survivre. Il nous restera, à la fin, le sentiment d’avoir vécu une aventure autant dangereuse qu’extraordinaire.
Moi, je lis. Plusieurs bouquins au même temps. Je vois des films. J’ai revu, évidemment, « L’amour dans les temps du choléra ». J’ai revu « Interstellar ». J’ai téléchargé toutes les films de Andrey Tarkovski et j’ai vu, déjà, la moitié d’entre eux.
Et comme dans les films de Tarkovski, je me laisse porté sur les ailes de la nostalgie. Je visite la maison de mon enfance. Je regarde le sourire de ma grande mère, alors qu’elle sort le riz au lait, tout chaud, du four. J’écoute les histoires drôles et tragiques de mon grand-père. J’entends les faubourgs de Bucarest exploser de joie, quand Duckadham, le gardien de but de Steaua, défend le quatrième penalty (!!!) dans la finale.
J’ai beaucoup de temps pour mes voyages dans les souvenirs. Comme vous le savez, je ne dors plus : juste au cœur de la pandémie, en plein confinement, mon bébé a décidé de venir au monde.
Mais ça c’est déjà toute une autre histoire....
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